RABBAR CODING (Rabbitfish Cytochrome b barcoding)

RABBAR CODING (Rabbitfish Cytochrome b barcoding) : Structuration génétique des populations du picot rayé Siganus lineatus en Nouvelle Calédonie . Identification génétique de S.vermiculatus et de S.randalli et de leur degré d’hybridisme avec S.lineatus.

Le projet RABBAR CODING se décline en quatre actions :

Identification des stocks génétiques de Siganus lineatus en NC

Les espèces de siganidés sont souvent composées d'unités discrètes de reproduction (càd populations ou stocks) qui, bien que n'étant pas isolées d’un point de vue de la reproduction des autres groupes, peuvent avoir des possibilités limitées d’échanger du matériel génétique en raison de la distance géographique, des barrières physiques à la migration, ou des périodes de frai non synchrones.

Les faibles niveaux de flux génique entre les stocks peuvent entraîner, au fil du temps, dans leur divergence génétique et les espèces qui sont subdivisées en stocks distincts d’un point de vue morphologique ou génétique sont dites être structurées.

L’identification des populations est particulièrement critique pour les espèces exploitées commercialement et en particulier pour une espèce emblématique telle que le picot rayé qui est pêché a priori sur toute l’étendue de la Grande Terre et des Îles.

Elle peut permettre de conclure sur l’existence ou non de stocks génétiquement distinctes de S.lineatus dans l'aire de répartition géographique de l'espèce ou bien sur la nature panmictique de la ressource dans le milieu naturel. 

En Australie sur un  site d’une superficie limitée de 7 km², on a pu discriminer des populations de Siganus lineatus inféodées à la bordure de mangrove de celles vivant sur le récif par leur comportement alimentaire diurne vs nocturne.

Ces connaissances permettraient aux décideurs (trois provinces) de suivre et d’adapter leurs plans de gestion de la ressource aux besoins des différents stocks identifiés et de là assurer leur  viabilité sur le long terme. 

Ces informations s’avèrent également indispensables pour le développement de programme de sélection génétique pour améliorer les performances (survies, croissance) des espèces domestiquées en aquaculture à l’instar de la caractérisation de la diversité génétique des stocks captifs des DOM d’un autre poisson tropical d’élevage, l’ombrine Sciaenops ocellatus, réalisée par l’ Ifremer en 2005.

Confirmation de la présence  de Siganus vermiculatus en NC

Parmi les 12 espèces du genre Siganus présentes en Nouvelle Calédonie (Fricke et al., 2011), la présence de S.vermiculatus,  espèce morphologiquement très proche du picot rayé fait encore l’objet d’un débat. Selon Woodland (1999), la distribution de S. vermiculatus s’étend du sud de l’Inde aux Fidji et cette espèce est absente de Nouvelle Calédonie. Alors que Marquet et al. (1997) et  Seret (1997) ont identifié des juvéniles qui appartiendraient à cette espèce dans la Dumbéa et des adultes à la passe de Boulari.

La réponse à cette interrogation revêt un intérêt fort pour la Nouvelle Calédonie en termes de pêcheries et d’aquaculture.

Ainsi, du fait de la ressemblance entre les deux espèces et de la limite occidentale de distribution de  S.vermiculatus, on peut supposer que cette dernière espèce (si présente) ne soit présente qu’en stocks de petites tailles et/ou isolés géographiquement et donc plus vulnérable à la pêche.

Par ailleurs, S. vermiculatus possède un fort potentiel aquacole certain pour la Nouvelle Calédonie. Elle a fait l’objet de nombreux essais d’élevage larvaire aux Fidji qui ont montré des performances en élevage similaires voire supérieures à celle du picot rayé. De plus, son habitat naturel (plus inféodé à la mangrove que S.lineatus lui confèrerait une plus grande rusticité en élevage.

  

Confirmation de l’identification génétique de Siganus randalli en NC

En début d’année 2013, un spécimen dont les caractéristiques morphologiques s’apparentent à S.randalli a été collecté au milieu d’un banc de S.lineatus à Yate. Cette espèce qui est « normalement » inféodée aux Iles Mariannes et au Nord est de PNG n’a jamais été décrite en NC.

Hormis l’intérêt purement scientifique de cette découverte (à confirmer par la génétique), cette étude revêt les mêmes intérêts cités précédemment pour S.vermiculatus (vulnérabilité des stocks). Par ailleurs, S.randalli qui a fait l’objet d’essais aquacoles en bassin et en cages à Guam possède également un fort potentiel aquacole.

Degré d’hybridisme entre S.lineatus, S.vermiculatus et S.randalli.

Pendant la saison reproductrice, les Siganidae , véritables modèles de « lunar spawners » synchronisent leur ponte à une phase lunaire spécifique à chaque espèce. Il a  été suggéré que cette stratégie permettait aux espèces de picots fréquentant les frayères et les sites de recrutement qui sont les plus souvent communs d’éviter l’hybridisme entre espèces.

Cependant ce  synchronisme ne semble pas aussi incontestable selon d’autres auteurs. Il y a probablement dans certaines circonstances une superposition des périodes de frais et donc utilisation de la même phase lunaire par plusieurs espèces. De ce fait l’hybridisme entre ces espèces de picots deviendrait « techniquement » envisageable. Plusieurs études portant sur la relation phylogénétique des siganidés à l’aide d’analyses mitochondriales et d’ADN nucléique ont confirmé que un grand nombre d’individus échantillonnés ont été détectés comme étant génétiquement des hybrides interspécifiques.

Par ailleurs, il a été montré en captivité que les géniteurs de siganidés  s’hybridaient « naturellment » dans les bacs et conduisaient à des hybrides viables (Siganus luridusS.rivulatus en Israël ; S.guttatus X S.vermiculatus aux Philippines) très difficiles à distinguer des parents.

Confirmer la présence de S.vermiculatus et identifier S.randalli puis vérifier leur degré d’hybridisme « naturel » avec S.lineatus présentent un double intérêt  pour la Nouvelle Calédonie mais également pour la région proche de confluence de ces  espèces:

  • une meilleure connaissance de ta taxonomie et de la systématique est souhaitable pour mieux comprendre les modèles biogéographiques de la diversité des espèces et de là de protéger les ressources ;
  • un progrès possible en pisciculture (a fortiori chez des d’espèces apparentées partageant une forte croissance). En effet Siganus lineatus, S.vermiculatus et S.randalli appartiennent à la même clade que S.guttatus espèce phare de l’aquaculture en Indonésie et aux Philippines. Produire dans le futur des hybrides serait intéressant dans la mesure ou ces individus sont stériles et grandissent plus vite en allouant toute leur énergie à la croissance et pas à la mise en place des gonades. Ceci est particulièrement important chez S.lineatus dont la taille de commercialisation est située au delà de la taille de première  maturité sexuelle qui freine la croissance.