Suivi de la fréquentation du lagon, collaboration entre l'Ifremer, la DENV et le WWF

Dans le cadre du Projet de Recherche AMBIO, l'Ifremer réalise depuis mars 2013 et jusqu'en février 2014, la mise en œuvre d'un protocole de suivi de la fréquentation du lagon en collaboration avec la Direction de l'Environnement de la Province Sud de Nouvelle-Calédonie et le WWF.

Contexte et Objectif

Le lagon calédonien, dont une partie a été inscrite au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2008, constitue la deuxième plus grande barrière de corail au Monde après la Grande Barrière Australienne et abrite une biodiversité exceptionnelle en termes de récifs coralliens et écosystèmes associés (herbiers et mangroves). Ce lagon est très fréquenté par les populations locales, que ce soit pour des activités récréatives, de pêche ou touristiques.

La Nouvelle-Calédonie est ainsi au premier rang mondial pour le nombre de bateaux par habitant. A proximité de la ville de Nouméa, principale agglomération de l’île, la fréquentation du lagon est intense et tend à augmenter sous l’effet de la pression démographique.

Depuis les années 1980, la Province Sud a mis en place des réserves marines dans un but de conservation et de valorisation des ressources, et elle en assure la surveillance et la gestion.

Suivre la fréquentation dans la durée demande :

  • un protocole applicable en routine sur le terrain par les équipes,
  • l’utilisation des données acquises via une saisie ergonomique dans une base de données,
  • leur analyse via un outil de calcul aussi facile d’utilisation que possible.

Entre 2008 et 2010, l’Ifremer et plusieurs instituts de recherche (dont l’IRD et l’UNC) au sein du projet de recherche PAMPA ont produit des outils et méthodes de suivi et d’évaluation (protocole, base de données, outils d’analyse) dans un but d’évaluation de la performance des Aires Marines Protégées.

Dans le même temps le WWF, dans le cadre du programme CRISP (initiative pour la protection et la gestion des récifs coralliens dans le Pacifique), en collaboration avec la province Sud, a sensibilisé et formé les agents de terrain de cette collectivité à l’utilisation de l’application « cyber-tracker », outil de saisie de données sur le terrain afin d’optimiser leur  récolte et faciliter leur bancarisation.

La DENV a également mis en place un suivi en routine de la fréquentation entre 2009 et 2012. Fort de leurs expériences respectives et dans le cadre de la révision du suivi du milieu marin de la province sud, l’Ifremer, le WWF et la DENV se sont associés afin de mettre au point un protocole de suivi de la fréquentation applicable par les agents de terrain et produisant des indicateurs de pression des usages applicables au Grand Nouméa et à d’autres contextes. Cette action est intégrée au projet AMBIO (Aires Marines Protégées, Patrimoine Mondial et Biodiversité) qui étudie également l’évolution de la biodiversité et des ressources lagonaires de Nouvelle-Calédonie.

Action

Le principe du protocole testé est de recenser le nombre de bateaux présents sur le lagon, leur type (voilier ou moteur), taille, activité (ex. pêche), le mode de mouillage (ancré, corps-mort, en route…), et leur localisation précise. Ce protocole est mis en œuvre dans le lagon du Grand Nouméa, depuis les bateaux de la Protection du Lagon de mars 2013 à février 2014, et par survol en hélicoptère de manière ponctuelle. Les données recueillies serviront à calculer des indicateurs de pression des usages du lagon, grâce à des analyses statistiques optimisées via les outils du projet PAMPA.

Quels intérêts pour les acteurs impliqués ?

Laurence Bachet, Service Conservation de la Biodiversité – DENV, Province Sud de Nouvelle-Calédonie.

La province a à sa charge la gestion du domaine public maritime, ainsi que la protection des espèces et écosystèmes protégés. Elle organise également le contrôle de l’application de la règlementation, notamment celle de la pêche et des aires marines protégées.

Afin d’élaborer les bonnes stratégies de gestion et de contrôle, il est donc important de connaitre comment sont utilisés les différents espaces lagonaires, de pouvoir quantifier ces usages, les pressions liées à ces usages et leurs variations dans le temps par le biais d’indicateurs robustes, dans l’objectif de prioriser et caractériser les actions de conservation. C’est l’objet du travail réalisé actuellement avec l’Ifremer et le WWF.

Théa Jacob, Coordinatrice Ecorégionale Milieu Marin et Eau Douce – WWF, Nouvelle-Calédonie

Les actions du bureau Nouvelle-Calédonie du WWF France visent à contribuer, aux côtés des gestionnaires et acteurs calédoniens, à la préservation du patrimoine naturel exceptionnel de l’île. La fréquentation en constante augmentation sur certaines zones du lagon représente une menace potentielle au maintien de l’intégrité biologique du lagon et des îlots. En 2010, afin d’optimiser la récolte de données de la brigade de la protection du lagon, le WWF s’est engagé aux côtés de la Province Sud afin de former ses agents à l’application « cyber-tracker ». Celle-ci permet de relever et de transférer directement dans une base de données les observations faites en mer (oiseaux, tortues, baleines, dugongs, activités de pêche, bateaux au mouillage...). Aujourd’hui, afin d’optimiser cette collecte d’informations et les analyses et interprétations qui en découlent, le WWF continue ce partenariat avec la Province Sud et l’Ifremer en se focalisant sur les données de fréquentation.  L’objectif poursuivi est d’obtenir une vision claire et non biaisée de l’évolution de la fréquentation, des usages et des impacts grâce aux données recueillies et aux indicateurs qui en sont issus, permettant ainsi une capacité de réaction optimale des gestionnaires.

Dominique Pelletier, Cadre de Recherche, Responsable projet AMBIO – IFREMER, LEAD-NC

La biodiversité et les ressources sont affectées par les usages, y compris les usages récréatifs comme la plaisance, la pêche et la plongée, notamment dans le Grand Nouméa. Étudier la fréquentation, c’est se donner les moyens d’évaluer l’évolution de la biodiversité et des ressources au regard des pressions des usages, qui ne sont pas réparties de manière homogène sur le lagon et en fonction du temps. Dans le projet AMBIO, nous développons et appliquons des méthodologies permettant de collecter des données sur la biodiversité et les ressources et des données sur les usages, puis de les analyser conjointement afin de comprendre la dynamique des écosystèmes lagonaires sous l’influence des usages qui s’y exercent, en fonction des différents instruments de gestion de l’environnement marin (AMP, Patrimoine Mondial, gestion des pêches,…). Cette connaissance est nécessaire pour évaluer l’efficacité de ces instruments de gestion à atteindre leurs objectifs.