Chimiodiversité au sein des plantes halophiles des tannes à salicornes de Nouvelle-Calédonie.

Ce programme financé par le MOM a permis de mener une première recherche des composés bioactifs au sein de six espèces végétales halophiles se développant dans les tannes à salicornes.

Rapport Final 2011-2013 du Programme financé par le Ministère des Outre-Mer.

Nathalie POUPART*,

Luc DELLA-PATRONA**,

Cyril POULLAIN***,

Valérie STIGER-POUVREAU*,

Gwladys LE DIOURON*,

Pierre BRUN**,

Fabienne GUERARD*

LEMAR* Laboratoire de l’Environnement Marin UMR 6539 UBO/CNRS/IRD/IFREMER de l’Institut Université Européen de la Mer (IUEM) (Plouzané, 29).

LEAD-NC Ifremer** Département « Lagons, Ecosystèmes et Aquaculture Durable » en Nouvelle-Calédonie (Nouméa, Boulouparis)

ICSN*** Unité CNRS de l’Institut de Chimie des Substances Naturelles (ICSN, UPR 2301 CNRS) Gif sur Yvette, 91)

LPM *** Laboratoire des Plantes Médicinales (CNRS Nouméa)

Synthèse du projet :

Autant une littérature fournie décrit le système forestier tropical des mangroves, autant un nombre très restreint de données existent actuellement sur ces marais découvrants que sont les tannes, localisés entre les palétuviers en zone marécageuse et la terre ferme. La Nouvelle-Calédonie abrite de nombreux tannes dont certains ont été prospectés lors de ce programme de recherche. Même si ce programme avait initialement une visée biotechnologique et que la durée de la mission en était ainsi de courte durée, la campagne de terrain de décembre 2011 a permis de compléter les inventaires floristiques préexistants de Muntzinger et Lebigre (2005) et de Duke et al (2010).

Une astéracée a ainsi été décrite, qui n’avait jamais été citée auparavant dans les tannes de Nouvelle-Calédonie. Des spécimens déterminés viennent ainsi enrichir l’herbier de Nouvelle-Calédonie et l’herbier du Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris. De plus, un travail initial de description des communautés végétales en allant vers une approche phytosociologique a été réalisé pour la première fois sur la dizaine de tannes visités. Cependant, seule une étude détaillée de terrain englobant un nombre important de sites et de relevés botaniques permettra de connaître les associations végétales caractéristiques des tannes de Nouvelle-Calédonie. En particulier, des données nouvelles ont été obtenues concernant la répartition des peuplements à salicornes, à soudes et à faux-pourpiers, dans la partie nord de l’île de la Grande Terre et il serait intéressant de les approfondir pour connaître l’origine de la répartition, la dynamique et l’évolution de ces communautés (par un suivi pluriannuel). Cet apport sur la connaissance de la phytosociologie et de la biodiversité des tannes est une nécessité à l’avenir, qui s’inscrit d’ailleurs dans les enjeux généraux de la STRATOM (Stratégie de Recherche pour l’Outre-Mer), comme un des périmètres de travail de sa Commission d’Appui Biodiversité Bioressources Agronomie.

Les halophytes sont les plantes caractéristiques de ces zones sursalées. Au niveau des tannes, des phanérogames herbacées sont capables de vivre en zone littorale intertidale et de supporter des salinités et des durées d’immersion/exondation variables. Parmi la vingtaine d’espèces inventoriées, une petite moitié seulement est fréquente et plus ou moins abondante dans les tannes de l’île de la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie et ce sont ces espèces, Sarcocornia quinqueflora, Suaeda australis, Sesuvium portulacastrum, Sporobolus virginicus, Fimbristylis cymosa et Aster squamatus, appartenant à différentes familles. Celles-ci ont été sélectionnées pour le criblage de biomolécules d’intérêt.

Ces plantes subissant dans leur biotope de nombreux stress, nous avons recherché des activités biologiques de type antiradicalaire, l’idée étant de produire des plantes pouvant représenter une source de composés naturels antioxydants. Pour ces mêmes plantes, d’autres activités biologiques, ciblées plus directement sur des applications en santé, ont été testées au cours de ce programme de recherche sur une récolte et sur un type d’extraits mais ils n’ont pas été positifs. Par contre, les résultats montrent que les activités antiradicalaires sont présentes chez toutes les espèces testées et qu’il existe une forte variabilité entre les espèces.

Nos données montrent aussi que selon les organes, l’activité antiradicalaire est variable et que, selon les espèces, la partie aérienne ou la partie basale est la plus active. Dans une perspective de production de la ressource, le prélèvement de la partie aérienne est une méthode non destructrice et permettra d’envisager plusieurs récoltes sur le même pied, d’autant que toutes ces plantes sont vivaces en climat tropical. La connaissance de ces activités biologiques sur les différentes parties de la plante, apportée par ce programme, est donc un atout. Nous avons montré que ces activités étaient reproductibles selon les années pour certaines espèces et non pour d’autres. Aussi, dans le cadre d’une approche fondamentale, d’autres tests d’activités antioxydantes pourraient permettre de mieux comprendre quel type de processus moléculaires est impliqué dans la protection des cellules vis-à-vis des EROs. L’élargissement du nombre d’espèces à étudier est aussi proposé.

Au niveau appliqué, de nouvelles espèces à forte activité pourraient aussi être potentiellement mises en évidence. La caractérisation moléculaire a été en partie initiée dans ce programme.

Pour finir, ces extraits d’halophytes de tannes de Nouvelle-Calédonie pourraient donc être valorisés dans l’industrie cosmétique, pharmaceutique ou encore dans l’industrie agroalimentaire comme ingrédient actif. Pour la production de ces plantes, ce programme de recherche et développement serait ainsi susceptible de conduire à une stratégie de gestion raisonnée de la ressource des halophytes herbacées sauvages comme vers une domestication des halophytes par leur culture, afin de préserver les milieux naturels. Il s’inscrirait alors dans un contexte de développement des nouvelles filières agricoles biosalines en Nouvelle-Calédonie, conformément aux perspectives de développement inscrites dans l’étude prospective «Calédonie 2025 » pilotée par le Haut-Commissariat de la République et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.