Projet ECOBAC - Etude du COuplage Bentho-pélagique dans un système peu profond soumis à une forte eutrophisation : Application à la Crevetticulture

Contexte général

Les études menées au sein de l’Ifremer sur la crevetticulture suggèrent qu’un milieu assujetti à des variations environnementales sévères serait favorable à l’expression et à l’intensification des épizooties observées dans les bassins d’élevages. Dans ce cadre, le projet ECOBAC vise à étudier les flux biogéochimiques à l’interface eau-sédiment, processus qui ont été identifiés comme clés pour la stabilisation de ces milieux.

L’environnement des bassins de crevetticulture est caractérisé par une évolution rapide (quelques mois) d’un état mésotrophe à un état hyper-eutrophe. Cette évolution est principalement due à l’ajout de Matière Organique par les crevetticulteurs sous forme d’aliment, ainsi que par l’activité de remise en suspension du sédiment par les crevettes (bioturbation).

L’écosystème bassin présente deux états contrastés, correspondant au début et à la fin du cycle d’élevage qui peuvent être caractérisés comme suit (Fig. 1) :

Figure 1 : Schéma conceptuel du fonctionnement de l’écosystème bassin. Sur la partie supérieure est montrée une simulation de l’évolution (a) des conditions de lumière et des flux de sédimentation à la surface de sédiment, (b) de la réponse des flux en ammonium et (c) des substances réduites. Sur la partie inférieure est présentée l’évolution des relations entre le sédiment et la colonne d’eau.

- Lors de la mise en eau des bassins, la faible turbidité de la colonne d’eau permet à la lumière d’atteindre les sédiments. Ainsi des micro-algues se développent à la surface des sédiments produisant de la matière organique par photosynthèse. La conséquence directe de ce processus serait une diminution des échanges à l’interface eau sédiment des sels nutritifs, induisant un découplage entre le sédiment et la colonne d’eau.

- En fin d’élevage, les conditions biogéochimiques du sédiment sont radicalement différentes. De par la forte biomasse phytoplanctonique présente dans la colonne d’eau et l’activité des crevettes, la colonne d’eau devient très turbide. La lumière n’atteint pratiquement plus le fond des bassins et il n’y a plus de photosynthèse possible au niveau du sédiment. A ce stade, le sédiment serait susceptible de générer d’importants flux de sels nutritifs vers la colonne d’eau soutenant ainsi activement la production primaire du phytoplancton. Les fonctionnements géochimiques de la colonne d’eau et du sédiment seraient fortement couplés dans cette seconde partie d’élevage.

Hypothèse de travail

Le changement d’état « découplage – couplage » entre le sédiment et la colonne d’eau représenterait un changement environnemental majeur. Cette phase pourrait s’accompagner d’une période de forte instabilité caractérisée par une forte variabilité entre le jour et la nuit au niveau des échanges à l’interface eau sédiment avec notamment un fort relargage de substances réduites potentiellement toxiques (H2S, NH3) pour les crevettes. Ainsi cette phase représenterait un stress environnemental dont l’intensité pourrait favoriser ou non le déclenchement des épizooties.

Démarche scientifique

Notre recherche s’appuie sur une approche couplant expérimentation et modélisation mathématique (Fig. 2).

Figure 2 : Illustration de l’approche multidisciplinaire menée au sein du projet ECOBAC

Les premières simulations ont été obtenues à l’aide d’un modèle développé pour recréer les interactions entre le sédiment et la colonne d’eau dans des milieux tropicaux peu profonds. Elles ont permis, en s’appuyant sur les connaissances acquises précédemment par notre laboratoire lors de suivis dans les fermes de production, de définir des expérimentations pour valider ou non notre hypothèse de départ. Elles seront conduites en mésocosmes[1], dispositifs expérimentaux de taille moyenne permettant d’isoler et de tester les effets de facteurs clés (Fig. 3). Ils présentent un intérêt évident car ils se situent à une échelle beaucoup plus réaliste et représentative des conditions écologiques réelles que les microcosmes utilisés dans les expérimentations de laboratoire.

Figure 3 : Schéma d’un mésocosme et des cloches benthiques pour mesurer les flux entre le sédiment et la colonne d’eau

Les résultats de cette étude devraient permettre de rendre le modèle mathématique plus robuste afin de simuler les conditions observées dans les bassins déclenchant ou non des épizooties. L’objectif est de développer à terme des scénarii pour une gestion optimisée des milieux d’élevage.

[1] http://wwz.ifremer.fr/ncal/Bienvenue/Actualites/Un-nouvel-outil-experimental-sur-le-site-de-Saint-Vincent-issu-d-une-collaboration-entre-l-IFREMER-l-IRD-et-le-Lycée-Jules-Garnier