VESPA : bulletin N° 8 - Pourquoi nous avons besoin de draguer ?
Nous ne cessons d’évoquer les dragues en mer… C’est probablement parce que c’est ce qui compte le plus actuellement dans notre activité. Après un certain temps sur un navire scientifique il est naturel que nos intérêts personnels et le but scientifique de la mission finissent par se confondre.
Ainsi, lorsqu’il est question de drague en mer, voici les trois raisons principales pour lesquelles je suis passionnée:
Le « frisson de la chasse »
Draguer est une opération compliquée. Les équipements peuvent facilement être endommagés ou même perdus.
Il est important de contrôler à chaque instant tous les paramètres de l’opération.
Pendant la drague, les scientifiques sont invités à discuter avec l’équipage en charge des opérations sur la passerelle. Ils scrutent les écrans d’ordinateurs affichant la profondeur du fond rocheux, la longueur de câble déployé (au bout duquel est accrochée la drague), la tension appliquée sur ce câble et la vitesse de déplacement du navire.
Le commandant de bord ou son second, supervise personnellement la manœuvre.
Il donne les ordres nécessaires à l’équipage. On est parfois surpris de se prendre au jeu et de trouver l’écran de contrôle plus intéressant que la finale de Roland Garros, lorsque la drague est coincée au sol. Comme nous l’avions mentionné dans un blog précédent, il est normal de voir la tension appliquée au câble suivre des cycles d’augmentation et diminution lorsque la drague « racle » le fond rocheux. Il est toutefois également possible de voir la tension augmenter et rester haute pendant un certain temps, alors que la drague s’est coincée, accrochée à un relief. Dans ce genre de cas, tirer brutalement sur le câble n’est pas une solution, car il pourrait rompre, et la drague serait perdue.
L’équipage du bateau est entraîné à cet exercice
Il a alors l’habitude de manœuvrer délicatement le navire d’avant en arrière jusqu’à retrouver sa position initiale (lorsque la drague s’est coincée) et ainsi libérer la drague. Il est donc indispensable de connaître à chaque moment les positions respectives de la drague, du câble et du bateau.
Un officier est responsable de ce contrôle
Il est assisté par un membre d’équipage, chargé d’opérer la descente et la remonté du câble et son travail est suivi pas à pas par le commandant de bord et les scientifiques qui le désirent. Il faut souvent plusieurs essais de traction sur le câble avant que la drague ne se détache et quitte le fond. A chaque fois, on commence par remonter le câble, ce qui fait augmenter d’autant la tension, jusqu'à ce que le navire soit positionné à peu près à la verticale de la drague et qu’une dernière petite traction ne la libère du sol. Cette opération peut prendre près d’une heure, pendant laquelle, la tension est palpable parmi les membres de l’équipage.
Quelle sont les chances de réussite ?
Si l’on considère la profondeur d’eau dans laquelle nous travaillons (1 500 à 4 000 m), il est épatant d’être capable de remonter ainsi des roches du fond. La drague mesure environ 2 m, soit environ 1/1000ème de la colonne d’eau qu’elle doit traverser. Pour relativiser, disons que si l’Atalante mesurait 80 cm, elle naviguerait sur 20 m d’eau avec derrière elle un cordon de 30 m de long qui tirerait une drague pas plus haute que 2 cm. Dans la réalité, nous draguons régulièrement à plus de 4 000 m de profondeur ! Il est donc épatant qu’une drague puisse réellement être ciblée et atteindre un point particulier du plancher océanique… C’est pourtant bien le cas.
On ne sait jamais à l’avance ce que l’on va trouver !
C’est un peu comme le jour de Noël ! Lorsque la drague remonte, scientifiques et membres d’équipage se rassemblent pour découvrir ce qui a été récolté au fond de l’eau.
Bien que nous ayons une idée générale de ce que nous devrions trouver, (sédiments, roches volcaniques…), on ne sait jamais vraiment ce que l’on va avoir au fond de la drague. Parfois, la drague peut être complètement vide, ce qui est très décevant ; mais par chance, cela ne nous est arrivé qu’une seule fois jusqu’à présent.
Découvrir le contenu de la drague est un peu comme acheter un ticket de loto…
Ça peut paraître disproportionné, mais la vue d’une roche est toujours très excitante pour un géologue. Ainsi, la plupart d’entre nous fait l’effort d’être présent sur le pont au bon moment. Le contenu est photographié, et les roches sont apportées au laboratoire ou elles sont « ouvertes » à coup de marteau et de scie pour accéder aux surfaces les plus fraîches.
Les roches du fond des océans peuvent être très altérées, ce qui les rend parfois difficilement identifiables. Nous pouvons toutefois nous considérer assez chanceux, puisque nous avons jusqu’à présent surtout récupéré des roches « fraiches ».
Nous sommes également satisfaits d’avoir obtenu des mélanges assez équilibrés entre roches sédimentaires et volcaniques.
Rédigé par Nina Jordan, traduit par Arnaud Agranier.
Why we love dredging
It may seem that we keep going on and on about dredging… That’s because it is currently all that matters in our lives! Being ‘stuck’ on a research ship inevitably means that you identify very strongly with the aims and objectives of the mission. So when it comes to dredging, here are my top reasons for getting excited about it:
The ‘thrill of the chase’
Dredging is a tricky operation. Equipment can easily get damaged or lost. Therefore, it is important to monitor as many parameters as possible. During dredging some on-shift scientists will normally join the crew on the bridge to be at the centre of the action. As if that in itself was not exciting enough, we then stare at computer screens telling us the water depth, the length of the cable (at the end of which hangs the dredge), the tension on the cable as well as the speed and direction of the ship.
The captain or second captain personally oversee all dredge operations and give necessary orders. Believe it or not, monitoring the screens can get more exciting than a Wimbledon final, usually when the dredge gets stuck on the seafloor! As mentioned in a previous blog, it is normal for the tension on the cable to increase and decrease several times during dredging as the dredge breaks rocks off the seafloor. However, it is not uncommon for the tension to rise and stay high for a longer period, which we interpret as being stuck on a large rock and unable to break away. If you just reel in the cable further you risk ripping the cable and losing the dredge. We prefer to maneuver the ship carefully back toward where we came from to avoid this! So it is important to know at all times where the ship is in relation to the dredge and cable.
There is usually an officer responsible just for that, plus a crew member who operates the cable winch, the captain, chief scientist and on-duty scientists. It often takes several attempts of winding in the cable and monitoring the tension, before the dredge breaks loose from the seafloor. Every time we start winding up the cable, the tension increases, until eventually we are very nearly on top of (or behind) the dredge and it will break loose. This can take up to an hour and the tension on the bridge is sometimes palpable!
What is the chance ?
If you think about the water depths we are operating in, it is mind-boggling that we get any rocks at all. The dredge and its bag are 2 meters tall. Let's scale them down to 1/1000th the size so the dredge is the size of a thimble. R/V Atalante would be 80 cm long, floating on 20 m of water with a 30 m piece of string attached to a 2 cm high dredge. And we have commonly dredged in water that was deeper than that, up to 4000 m! It is surprising that the dredge can be targeted to hit a particular part of the sea floor but that is what happens.
You never know what you will get !
It’s a bit like Christmas! When the dredge comes back on deck scientists and crew gather to see what we have ‘harvested’ this time (the scientists tend to be slightly keener than the crew).
While we have a rough idea of what to expect (e.g. sedimentary or volcanic rocks), you never know what you will find in the dredge. For a start, the dredge can come back completely empty which is so disappointing.
Luckily this has only happened to us once so far. Finding out what is in the dredge is a bit like buying a lottery ticket to a most people (geologists get really excited about seeing rocks). So most of us make an effort to be on deck at the right time, whether we are on-duty or not. We then take a picture of the dredge content and carry rocks to the lab where we crack them open with a hammer or rock saw to expose any fresh surfaces on the inside.
Rocks on the seafloor can be quite altered which makes it hard to recognize their original composition, but again, we have been quite lucky in that we have found many fresh rocks. Also, we have been getting a satisfying mix of volcanic and sedimentary rocks in most dredges.
Written by Nina Jordan. Translated by Arnaud Agranier.