VESPA : bulletin N° 3 - Utilisation de la drague

Nous avons une carte des sites où nous aimerions effectuer des échantillonnages pendant la mission. Lorsque nous arrivons sur un site, nous procédons tout d’abord à une cartographie à haute résolution du fond marin (levé bathymétrique) afin de sélectionner une cible précise. La technique de dragage est rapide et relativement peu coûteuse, bien qu’elle manque parfois de précision. Par une profondeur de 2000 m par exemple, 2500 m de câble portant la drague sont déroulés (500m de plus que la profondeur d’eau), afin de s’assurer que la drague reste bien sur le fond marin. Cette longueur de câble additionnelle permet de maximiser la surface de contact entre la drague et le fond marin et donc la quantité de sédiments et roches récoltés. Cette longueur prend également en compte le fait que le navire avance et que par conséquent la drague et son câble ne sont pas à la verticale. Afin de détecter le moment où la drague touche le fond, ou bien si elle reste bloquée sur une zone rocheuse indurée (à la manière d’une ancre), l’évolution de la tension du câble est suivie en continu à bord. Normalement, la roche cédera et la tension redescendra. Cela dit, il est courant d’observer de multiples pics de tensions, avant que l’ordre ne soit finalement donné de remonter la drague. Cependant, même en monitorant la position du navire et la tension sur le câble, on ne peut jamais être sûr à 100% de la position exacte de la roche récoltée. Parfois, la drague traine sur le fond sur plusieurs centaines de mètres avant de finalement être remontée !

Le 25 mai, vers 15h en temps universel (le milieu de la nuit à bord), une situation inattendue s’est produite : la drague est restée coincée sur le fond de la mer malgré de nombreuses tentatives pour l’en extraire. La tension sur le câble est montée à 14000 daN (140 000 N, le poids d’une masse de 14 tonnes) ce qui nous a forcé à stopper l’enroulement du câble pour faire redescendre la tension. A chaque tentative de rembobinage du câble, la tension remontait pour atteindre des valeurs records de 20000 daN. En temps normal, une tension de 6000-7000 daN est déjà considérée comme haute. De nombreuses manœuvres ont alors été entreprises pour essayer de dégager la drague, mais toutes furent infructueuses : la tension ne faisait que remonter. Nous avons alors enroulé le câble jusqu’à une longueur voisine de la profondeur d’eau pour lui permettre de plonger à la verticale. Finalement, la tension chuta brutalement ! Dans un soulagement général, nous avons alors pu enfin remonter la drague, alors détachée de la paroi rocheuse sous marine. La remontée progressive du câble a pu alors être initiée. En fonction de la longueur de câble et de la profondeur d’eau, il faut alors entre une à deux heures pour voir la drague arriver sur le pont… temps durant lequel l’ensemble de l’équipe attend anxieusement le contenu de la drague.

A l’arrivée de la drague sur le pont, l’opération s’avère être un succès: il s’agit du plus gros prélèvement jusqu’à présent. Les roches remontées sont de nature différente: roches sédimentaires, roches volcaniques et roches mixtes. En effet, lorsque d’une roche volcanique est déposée sur le fond marin, celle-ci est naturellement drapée de sédiments marins, déposés lentement au cours du temps par décantation d’organismes unicellulaires morts dans la colonne d’eau. Cependant, certaines roches sont composées à la fois de matériel volcanique et de sédiments. On peut alors envisager que des courants océaniques ou bien des déstabilisations du fond marin remanient les roches volcaniques et les incorporent dans les sédiments marins. Une interprétation alternative serait de considérer que la technique de dragage est à l’origine du mélange les roches. Dans tous les cas, leur présence est extrêmement utile. Les roches seront datées et, par comparaison avec d’autres dragages, nous permettront de reconstruire l’histoire géologique de la zone. Bien que les analyses soient encore en cours, nous devrions être capable de fournir rapidement des premiers résultats et interprétations.

Texte de Nina Jordan, traduit de l’anglais par Clément Roussel et Sam Etienne

Using the dredge

We have a map of all the dredge sites that we would like to sample on this cruise. When we get to a site we first undertake a high-resolution bathymetry survey to be able to select a precise target area. Actually it turns out that dredging is not quite as precise as one would like. In a water depth of, for example, 2000 m, we give the dredge an extra five hundred metres of cable to make sure it stays on the sea floor and does not bounce along (this is to maximise the contact with the seafloor and therefore sample retrieval). Also, you have to factor in that the cable and dredge follow the ship at a shallow angle, they do not hang down vertically. In order to know when the dredge hits the floor we measure the tension on the cable. When the tension goes down to a certain value this means that the bottom of the sea has been reached. We still continue to monitor the tension as it can happen that the dredge gets stuck on a large rock (similar to an anchor). Normally, the rock will break and the tension goes back down. It is normal to see multiple peaks and throughs on the tension graph and after some time on the sea floor the signal is given to draw the dredge back up as it is assumed that the dredge must be full or at least contain some rocks. Despite tracking the ship’s position and tension on the cable we can never say with 100% certainty where a rock came from as the dredge scrapes along the seafloor for several hundred metres and the rocks can come from anywhere on that line.

 

In a diversion from normal events, on 25 May around 3pm UTC (for us the middle of the night), the dredge got stuck on the sea floor during the latter stage of dredging as we were pulling the cable back up. We know this from the fact that the tension on the cable rose to ~14,000 daN so we stop winding up the cable and the tension goes down. Every time we start winding up the cable the tension rises, to a maximum value of 15,000 daN (=kg). This is unheard of (normally ~6-7,000 would be considered a high value). We manouevre the ship in a circle to try and release the dredge from its place. When this does not work we back-track toward where we came from. We keep going back but every time we pull up the cable the tension rises. When we stop pulling the tension drops. Eventually we have pulled the cable so far that it is only as long as the water depth so we must be right on top of the dredge. At this point (while we keep pulling up the cable) the tension suddenly drops. What a relief! The dredge has finally been released from the rock face. Now we can pull up the cable and continue on our path. Depending on the water depth (and therefore the length of the cable) it ususally takes between one and two hours for the dregde to arrive on deck. So we are anxiously awaiting what the rock haul for this session is.

 

When the dredge is finally on deck it turns out to be a good catch, the biggest so far. There are several different rock types which is exciting. There are both sedimentary and volcanic rocks and a mixture of the two. Once volcanic rock is erupted on the seafloor, it will commonly get covered in sediment that naturally accumulates over time. Sediment in the deep sea usually consists of masses of tiny dead single-celled organisms and only builds up slowly. Occasionally there may be currents or landslides that deposit the volcanic rocks together with the sediments. It could also be that the volcanic rocks were covered by sediments and we have dredged both. Either way it will be useful for us to have both types as we can derive an age of the rocks from both and then compare. It should also help us reconstruct the geological history of this area, together with the samples from other dredges. Soon we should be able to present some results and interpretations (we are still analysing the samples).

Written by Nina Jordan