Soutenance de thèse de Cassandre Certain

Titre

Variabilité spatio-temporelle et expérimentale de la valeur fonctionnelle de cinq plantes halophytes de Nouvelle-Calédonie, candidates à l'agriculture biosaline

Résumé

La société contemporaine se positionne de plus en plus vers une demande de productions végétales alliant qualité, économie et écoresponsabilité. Dans ce contexte, la diminution globale des ressources en eau douce et en terres arables non salinisées à travers le monde, a conduit à l'essor mondial de cultures biosalines, à partir de plantes «halophytes» capables de croître et de se multiplier en conditions salines.

En exploitant les sols et eaux salinisés, ces cultures halophytes permettent de réduire notre empreinte sur l'eau et les terres limitantes des territoires (Ventura et al., 2015). Ces systèmes proposent ainsi une offre de production végétale durable, avec de nombreuses applications : agro-alimentaire, médecine, cosmétique, phytostabilisation, phytoremédiation, bioénergies, etc. (Abideen et al., 2012; Glenn et al., 2013; Karakaş et al., 2017).

En agroalimentaire, l'attrait pour l'agriculture biosaline réside également dans la qualité de ses productions .

En effet, beaucoup de plantes halophytes sont connues pour avoir une haute valeur nutritionnelle et thérapeutique ("valeur fonctionnelle") qui réside dans la combinaison de teneurs élevées en acides gras polyinsaturés (omégas 3 et omégas 6), composés antioxydants, composés osmoprotecteurs et vitamines (Al Tohamy et al., 2018 ; Ksouri et al., 2012 ; Meot-Duros et al., 2008 ; Petropoulos et al., 2018 ; Shahidi and Naczk, 1995 ; Ventura et al., 2011). La présence naturelle d'un important pool de métabolites chez les halophytes pourrait être liée à leurs conditions extrêmes de croissances (Boestfleisch et al., 2014 ; Nikalje et al., 2018). Le statut écophysiologique des plantes est toutefois un déterminant bien connu de leur croissance et de leur composition (Boestfleisch et al., 2014 ; Ivanova et al. 2006 ; Rozentsvet et al., 2014 ; Ventura et al., 2015). Si le pool de métabolites lié aux multiples stress est généralement naturellement plus important chez les halophytes que chez la plupart des autres plantes, leur croissance dans des conditions non optimales peut entraîner des modifications quantitatives et/ou qualitatives en ces métabolites fonctionnels dans les tissus (Boestfleisch et al., 2014; Ksouri et al., 2012; Ventura et al., 2011).

L'agriculture biosaline est méconnue du territoire de la Nouvelle -Calédonie.

Ce territoire ultra-marin français dispose pourtant d'atouts considérables à la mise en place de cette activité, en termes de surfaces disponibles, climat et biodiversité mais également en termes de synergie possible avec les activités locales. Il dispose par exemple d'une activité crevetticole de qualité, ancrée et maîtrisée depuis plusieurs décennies, qui pourrait tirer bénéfice d'une coordination entre les deux activités (Costa et al., 2014 ; Ventura et al., 2015). L'ouverture de nouvelles perspectives pour les agriculteurs et aquaculteurs calédoniens et la création d'emplois conséquente serait encouragée par de tels développements. En outre, l'insularité du territoire en fait l'une des cibles premières des effets des changements climatiques. Les pénuries d'eau douce, les périodes de sécheresse et les pertes de surfaces arables liées à la montée des océans et à la salinisation des terrains de bord de mer sont vouées à s'y intensifier au cours des prochaines années. En raison du caractère durable et résilient des systèmes biosalins, ceux-ci constituent une solution prometteuse à apporter à la Nouvelle-Calédonie pour lui permettre de s'affranchir des changements futurs en améliorant son autosuffisance agricole, en particulier alimentaire.

Ce travail de thèse s'inscrit dans un projet général de recherche sous l'égide de l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la MER (Ifremer), de l'Institut de Sciences Exactes et Appliquées (ISEA) de l'Université de la Nouvelle-Calédonie (UNC), de l'Institut Agronomique néo-Calédonien (IAC) et du laboratoire des sciences de l'environnement marin (LEMAR), cherchant à poser les bases de l'agriculture biosaline en Nouvelle-Calédonie à partir d'une flore native potentielle sélectionnée sur le territoire (Poupart et al., 2013). L'objectif spécifique de ce travail de thèse a été d'évaluer les variations quantitatives et qualitatives en métabolites fonctionnels d'intérêt dans les tissus comestibles de cinq de ces espèces à potentiel agro-alimentaire selon les modifications, naturelles ou contrôlées, de leur milieu de croissance : Enchylaena tomentosa R.Br. (APNI) ; Salsola australis R.Br.(APNI); Suaeda maritima (L.) Dumort (Munzinger et al., 2020) ; Sarcocornia quinqueflora (Bunge ex Ung.-Sternb.) A.J.Scott (APNI ) et Atriplex jubata S. Moore (INPN), toutes appartenant à la famille des Amaranthaceae.

Nous montrons qu'il est possible de faire varier la valeur fonctionnelle en acide gras, minéraux ou antioxydants de ces espèces selon le moment ou le site de leur collecte et/ou selon des conditions salines et nutritionnelles spécifiques apportées à leur culture en serre. Nous posons l'hypothèse qu'il existe une plasticité environnementale spatio-temporelle de ces valeurs agronomiques chez ces halophytes d'intérêt , pouvant être liée à diverses caractéristiques édaphiques dictant leurs métabolismes (nutrition et tolérance au sel ).

Ces résultats soulignent le potentiel de chacune en tant que source de composés fonctionnels et mettent l'accent sur leur variabilité, notamment en milieu salin. A terme, ils pourront contribuer à l'émergence de cultures biosalines agro-alimentaires en Nouvelle-Calédonie, soutenant les objectifs de diversification et d'autosuffisance alimentaire durable de l'agriculture.

Composition du jury

  • Liliane Berti, professeure, Université de Corse
  • Alain Bouchereau, professeur, Université de Rennes
  • Luc Della Patrona, cadre de recherche HDR, IFREMER
  • Peggy Gunkel Grillon, maître de conférences HDR, UNC
  • Audrey Leopold, chercheur, IAC
  • Cyril Marchand, professeur, UNC
  • Arnould Savoure, professeur, Sorbonne Université

 

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Cassandre Certain