Aquaculture de micro-algues en Nouvelle-Calédonie (AMICAL)

Les micro-algues sont des micro-organismes photosynthétiques unicellulaires aquatiques. Leur nombre est estimé entre 200 000 et plusieurs millions d’espèces.  Les micro-algues sont capables de convertir l’énergie solaire et le CO2 en matière organique via la photosynthèse. Premier maillon de la chaine alimentaire dans les océans, ces organismes  jouent un rôle fondamental pour le règne animal (ex. zooplancton et poissons).

La biodiversité des micro-algues est très grande

Les espèces sont différentes par leur taille leur pigmentation, leur forme et suivant qu’elles sont isolées ou groupées en chaine (Figure 1). Les micro-algues ont colonisé tous les milieux, aussi bien les eaux douces, saumâtres ou marines, en pleine eau ou sur des supports (espèces benthiques). Elles peuvent s’adapter à des conditions extrêmes (température, pH, salinité) et se trouvent dans des habitats très divers : des eaux polaires aux lacs acides et aux sources d’eau chaude. Dans des conditions favorables, en culture ou dans la nature, certaines espèces sont extrêmement productives (Figure 2).

Il est largement admis, aujourd’hui, que les micro-algues autotrophes présentent un fort potentiel pour la production de biomasse riche en composés organiques d’intérêt économique, du fait notamment, de leur rendement photosynthétique très supérieur aux plantes terrestres.

Pourquoi la culture de micro-algues en Nouvelle-Calédonie ?

La Nouvelle Calédonie réunit de nombreux atouts pour le développement d’une aquaculture durable de micro-algues :

  • Le pays est en zone intertropicale  : il ne fait ni trop chaud ni trop froid par l’influence océanique  (Température moyenne = 23,2° entre 1952-1965), la moyenne d’insolation est de 2200 à 2700h/an et la pluviométrie est modérée (1070mm en moyenne entre 1981 et 2010)
  • C’est un pays d’aquaculture où l’élevage commerciale de la crevette est établi depuis trois décennies.  Aujourd’hui le pays dispose d’un réseau de métiers avec ses compétences et ses infrastructures qui permettent d’agir aux différents niveaux des filières aquacoles depuis la R&D jusqu’à la commercialisation en passant par  la production des aliments et les différents maillons des élevages (écloserie, grossissement,…).  
  • La Nouvelle Calédonie possède de nombreuses surfaces littorales disponibles (plaines en bordure de mer et zones de tannes inexploitées).
  • La Nouvelle-Calédonie dépend entièrement des importations des matières premières (farines et huile de poissons, soja,…) pour nourrir ses élevages aquacoles ; si l’aquaculture des micro-algues se développe, elle trouverait localement un débouché dans l’alimentation et la santé animales. 
  • La Nouvelle-Calédonie possède une grande biodiversité tant terrestre que marine qui augmente d’autant la probabilité de découvrir des espèces originales susceptibles d’être valorisées économiquement.
  • La Nouvelle-Calédonie dispose d’une importante capacité de recherche et développement (R&D : Ifremer, UNC, IRD, Adecal -Technopole, …), ancrée dans un réseau international, capable d’accompagner et d’innover dans ce secteur des biotechnologies.
  • L’industrie du Nickel est source d’importantes quantités de CO2 qui pourrait, en partie, être recyclé pour la culture des micro-algues.

Le programme AMICAL (Aquaculture de MIcro-algues en nouvelle-CALédonie)

Le programme AMICAL est porté depuis fin 2011 par l’Adecal-Technopole (Agence pour le DEveloppement de la nouvelle-CALédonie) en partenariat étroit avec l’Ifremer. Son objectif est de développer, à moyen terme, une filière innovante de production de micro-algues locales afin de participer au développement économique de la Nouvelle-Calédonie par la valorisation de la biomasse produite et l’exploitation durable de la biodiversité du lagon. Le programme AMICAL bénéficie d’un financement du Comité Interministériel pour l’Outre-Mer (CIOM), pour la mise en place des infrastructures et des gros équipements.

Il s’agit de deux laboratoires complémentaires :

  • le Laboratoire d’Etude des Micro-Algues (LEMA et
  • le Laboratoire Technologique des Micro-Algues (LTMA).

Ils constitueront, à terme, le Centre Technologique des Micro-algues de l’ADECAL-Technopole (Figure 3).

Le projet bénéficie également, pour le fonctionnement, de financements de la Nouvelle-Calédonie, des trois Provinces, et de l’Etat, dans le cadre des activités de l’ADECAL-Technopole et de l’accord-cadre signé avec l’IFREMER qui met à disposition des ressources humaines qualifiées tant en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole.

Le LEMA est équipé d’infrastructures de référence en matière d’études et de productions expérimentales à l’échelle du laboratoire (Figure 4) et est opéré par une équipe mixte (2 cadres de recherche et 2 techniciens)  réunissant des salariés Ifremer et Adecal-Technopole. Le LEMA est adossé au Laboratoire de Physiologie et de Biotechnologie des Algues (PBA) situé au centre Ifremer de Nantes. Ce dernier réalise, au sein d’un riche réseau collaboratif académique et privé des recherches fondamentales et à vocation appliquée.

Le LTMA entièrement opéré par l’Adecal-Technopole avec l’expertise du LEMA et de PBA, a pour objectif la réalisation d’essais de cultures à l’échelle pilote et d’études de faisabilité technique et économique qui sont un préalable au transfert des fruits de la R&D du programme AMICAL au secteur industriel et commercial.

Le LEMA a démarré ses opérations en mai 2013 en portant, dans un premier temps, tous ses efforts sur :

  • les bioprospections des eaux côtières calédoniennes (Figure 5),
  • la sélection des espèces à fort potentiel de croissance,
  • la mise en place de la souchothèque de micro-algues calédoniennes d’intérêt aquacole (Figure 6).

Depuis le début des opérations et jusqu’à la fin de l’année 2015, une centaine de prélèvements ont été effectués à partir desquels, une vingtaine d’espèces ont été sélectionnées et isolées pour leur performance de croissance (Figure 6).

Le laboratoire PBA identifie les espèces sélectionnées par taxonomie moléculaire et réalise les études d’écophysiologie avec le dispositif TIP (Température, Irradiance, pH) permettant d’établir un modèle de croissance en fonction de ces trois paramètres fondamentaux de culture.

Par ailleurs des travaux sont en cours pour la caractérisation biochimique des micro-algues sélectionnées : contenu énergétique, protéines et acides aminés, lipides et acides gras, sucres, cendres.

Voies de valorisation envisagées

Les applications commerciales des micro-algues existent au niveau mondial et concernent les secteurs de la nutrition humaine et animale, de la cosmétique et des molécules à haute valeur ajoutée (pigments, acides gras oméga 3,…). De nouvelles voies de valorisation sont à l’étude pour la bioremédiation (CO2 et eaux usées) et/ou la production de biocarburant.

Les axes de R&D prioritaires du programme AMICAL sont :

  1. La poursuite des bioprospections  et de la sélection d’espèces des eaux calédoniennes à forte productivité avec un potentiel aquacole élevé.        
  2. La nutrition animale et notamment celle des animaux aquatiques élevés dans le pays (crevette, poissons du lagon, holothurie).
    L’objectif est de produire localement de la biomasse de micro-algues (Figure 7) source de lipides, de protéines et/ou de substances bioactives nécessaires aux élevages aquacoles calédoniens qui dépendent encore en totalité des importations (farines de poisson, soja, blé…). Les études en nutrition doivent être réalisées en partenariat avec l’Adecal-Technopole sur toutes les phases de développement des animaux depuis les larves, jusqu’aux reproducteurs en passant par les stades juvéniles et adultes.      
  3. La recherche de substances naturelles bioactives à haute valeur ajoutée avec des applications en nutrition et santé animale et humaine, en cosmétique, en agriculture…
    Les micro-algues contiennent des composés nutritionnels comme des hydrates de carbones, des protéines, des lipides mais également des composés bioactifs tels que les antioxydants (polyphénols, tocophérols, acide ascorbique, …) et des pigments comme les caroténoïdes, les chlorophylles, et les phycobilines qui ont des propriétés antibactériennes, antifongiques, anti-radicalaires, anti-inflammatoires et anti-tumorales.